Anémie inflammatoire : un pas de plus vers l’identification de cibles thérapeutiques ?

Image: Identifier les processus sous-jacents aux altérations de la production de globules rouges pourrait aider à identifier les cibles thérapeutiques de l'anémie inflammatoire.(Photo fournie par SciTechTrend.com, via Flickr)

L’anémie inflammatoire est un facteur de pronostic défavorable pour les patients atteints d'un cancer, mais les processus moléculaires sous-jacents ne sont pas encore complètement compris. Le Professeur Marc Diederich et ses collègues, les Drs Morceau et Orsini, ont étudié l'effet de la voie TNFα / sphingomyélinase / céramide sur la production de globules rouges et ont identifié le rôle clé de l'autophagie, un processus autodégradant important pour l'équilibrage des sources d'énergie, l'élimination des protéines mal repliées, et le nettoyage des organites endommagés.

L’anémie inflammatoire est une complication du cancer peu connue, mais extrêmement courante. Elle est causée par une inflammation (chronique) permanente, qui non seulement provoque de la fatigue et diminue la qualité de vie, mais a également été associée à une moindre réactivité de la tumeur à la radiothérapie. Généralement, c’est un facteur de pronostic défavorable. Trouver des moyens de réduire l’anémie inflammatoire est donc une priorité, mais pour cela les chercheurs doivent comprendre comment elle survient dès le départ, et au niveau moléculaire.

Le chemin de la maladie : les voies de signalisation

Les voies de signalisation comprennent des molécules qui agissent tour à tour les unes sur les autres pour effectuer diverses fonctions cellulaires, un peu comme une course de relais. Une activation anormale peut conduire à un fonctionnement cellulaire anormal ; il est donc important de comprendre le fonctionnement précis de ces voies pour identifier les cibles thérapeutiques susceptibles d’interrompre la signalisation anormale (faire trébucher l'un des coureurs du relais). C’est une priorité pour le Professeur Marc Diederich, le Dr Franck Morceau et le Dr Marion Orsini, qui identifient dans un article publié en novembre 2018 le rôle d'une nouvelle voie pouvant sous-tendre la perturbation de la production de globules rouges constatée dans l'anémie inflammatoire.

Une voie novatrice : les coureurs (molécules) concernés

Nous savons déjà qu'une des principales protéines de signalisation impliquées dans l'inflammation est le facteur de nécrose tumorale α (TNFα) et qu'une augmentation du taux de TNFα inhibe la formation de globules rouges. Le TNFα est également connu pour activer une voie de signalisation appelée « voie sphingomyélinase / céramide ». L'activation de cette voie a plusieurs conséquences, notamment la production de céramide, une molécule lipidique. Bien que son action dans l'inhibition de la production de globules rouges ait été documentée, son rôle précis dans la dégradation de la production de globules rouges par le TNFα a été étudié pour la première fois dans cet article.

L’autophagie : associée à la déficience de la production de globules rouges ?

L’activation par le TNF de la voie sphingomyélinase / céramide entraîne également la régulation de « l’autophagie » (du grec « auto » et « phagein » : « auto-mangeant »). Processus par lequel les cellules dégradent et recyclent leurs composants, elle est essentielle à la production de globules rouges et sa perte peut entraîner une anémie grave. Diederich et ses collègues ont récemment souligné le potentiel de l'utilisation de modulateurs de l'autophagie pour le traitement de diverses maladies du sang, cancer compris. Le ciblage de l'autophagie et ses médiateurs pourrait donc avoir une réelle importance clinique pour le développement de médicaments.

Ligne d'arrivée : la production de globules rouges

Dans cette dernière publication dans Cell Death & Differentiation, Morceau et Orsini montrent que la voie TNFα / sphingomyélinase / céramide inhibe le développement des globules rouges et fait basculer ce processus sur celui de la production de granulocytes, un composant majeur du système immunitaire inné, les céramides semblant jouer un rôle clé à cet égard. Ils ont également constaté que cette voie inhibe l'autophagie, à travers l'activation d'une protéine appelée mTOR, un régulateur essentiel de nombreuses fonctions cellulaires qui avait déjà été identifié comme une cible intéressante pour les troubles sanguins par le laboratoire du Professeur Diederich. Surtout, ces nouvelles découvertes soulignent le rôle essentiel de l’autophagie dans la déficience de la production de globules rouges.